François Bon | Société des amis de l'ancienne littérature

13,00 €

D’un imaginaire numérique de la littérature, entre réel et fantastique.

210 pages, 58 récits.

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Écrire a toujours été lié pour moi à ces poussées du dedans, secrètes, irrationnelles, qui distordent le réel mais semble paradoxalement vous le révéler, tout aussi réel mais tremblant et fragile, un instant avant qu’il se replie dans son ordinaire.

C’est aussi toujours ce que j’ai cherché dans la littérature, et notamment la littérature fantastique. Mais un fantastique qui suppose cela, marcher dans la rue, coller son front aux vitres du train ou du bus, laisser rogner le temps dans ces endroits des improbables attentes.

Je suis allé tard en Amérique. J’ai voyagé en Europe, en Asie, la révélation du nouveau monde s’est faite bien après avoir commencé à publier, et — c’est peut-être cela la bascule — alors que j’avais déjà établi mon site Internet comme mon lieu d’expérimentation et d’écriture.

Cela s’est fait alors comme du même geste : écrire, photographier, publier. La photographie nomade, avec de petits outils numériques sommaires, renforçait cette volonté d’arrachement, de décollement, de saisie du tremblement. Elle attestait de ce moment nu et dépouillé du réel, où l’écriture traverse.

Chacun des textes rassemblés ici, lors de voyages aux USA dans Société de l’ancienne littérature, de la première découverte du Québec dans Recherche d’un nouveau monde, qui s’ouvre par un hommage à Louis Hémon, participe de ces basculements, que le voyage rend peut-être pas plus faciles, mais auxquels on s’est rendu plus disponible, plus exposé. Ce qui s’était inventé dans la confrontation américaine a traversé aussi les arpentages du plus proche, et que l’écriture s’est ressaisie du mode de publication lui-même : si on prend en compte dès l’ébauche du récit la question du livre, de l’auteur (peut-être y était-on moins contraint, quand tout était stable, encore que…), et de l’archivage, des blogs, bases de données, ouvrons-nous de façon réflexive un imaginaire numérique de la littérature ?

Et, symétriquement, la forme ancienne du récit fantastique peut-elle aider à le dégager des technologies transitoires qui le contraignent, et mettre à nu la part plus brute de notre rapport au monde ?

Si la littérature de voyage — voyages aussi dans les lieux mêmes où on intervient comme auteur, des confs et des lectures, des ateliers, la litanie des espaces culturels ou éducatifs qui se retrouvent ensuite dans les rêves — est pour chacun d’entre nous (cela vaut aussi pour les peintres) un atelier privilégié de ce qui se déplace dans le regard et le rêve, ou tout simplement l’observation de ses semblables et de ce que cela fissure à l’intérieur de vous-même (on verra qu’Henri Michaux hante souvent, très souterrainement, ces textes), elle n’est pas le but en soi : ces sauts d’intensité construisent pour longtemps le travail à suivre, expriment une part secrète mais décisive de ce qui s’y recherche.

C’est bien la littérature qu’on questionne, et cela a toujours exigé de renverser les apparences les plus arbitrairment évidentes du réel.

C’est ce qui a été tenté, dans ces cinquante-huit histoires.

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